בס”ד
Parashat Vaykra – פרשת ויקרא
Vaykra chapitres 1 à 5
La parasha Vaykra est la première du Houmash Vaykra, dont la plus grande partie est consacrée aux Korbanot-sacrifices, qui « animeront » le Mishkan maintenant achevé.
Notre parasha énumère et décrit le mode opératoire, ainsi que les circonstances liées à l’offrande des différents Korbanot : Ola, Minha, Shlamim, Hatat, Asham.
Le verset 2 de notre parasha introduit ainsi l’institution des Korbanot :
…אדם כי-יקריב מכם קרבן לה” מן-הבהמה מן-הבקר ומן-הצאון תקריבו את-קרבנכם
“ Un homme d’entre vous qui offrira un sacrifice à Hashem une offrande de bétail, c’est avec du gros ou du petit bétail que vous offrirez votre sacrifice ».
La première partie de ce verset : אדם כי יקריב מכם – un Adam qui sacrifiera-approchera, de vous (mot à mot), a inspiré aux commentateurs de nombreux rapprochements, notamment avec les premiers sacrifices de la Tora, ceux d’Adam (précisément), de Kayn et Abel.
Nous y reviendrons en une autre occasion בע”ה, a travers un joli commentaire du Kli Yakar.
Réflexion :
Pourquoi la Tora demande-t-elle de sacrifier des animaux ? Quel est le sens des korbanot ?
Qui en a besoin ? Hashem ? L’homme ? Pourquoi faire ?
Ce questionnement se retrouve dans le débat emblématique qui a opposé –et oppose toujours des siècles plus tard- deux géants de la Tora, le Rambam (Maimonide, 1135-38-1204), et le Ramban (Nahmanide, 1194-1270).
Entrons dans le vif du sujet, en commençant par l’approche du Rambam, exposée dans le Guide des égarés מורה נבוכים.
Fidèle à son approche rationnelle, le Rambam explique que l’usage des sacrifices était très répandu chez les peuples païens antiques, qui, à travers cette pratique, rendaient un culte à leurs divinités. Nos ancêtres ayant vécu parmi ces peuples (Egyptiens, Chaldéens…) ont été profondément marqués par cette habitude.
Plutôt que de nous demander d’abandonner ces pratiques, Dieu dans sa sagesse, les aurait laissées, mais les aurait transférées sur son nom, d’où les ordres de lui construire un Mishkan, d’y élever des sacrifices, de bruler de l’encens…
Dans le même temps, Dieu exige l’exclusivité, et l’exclusion des divinités païennes.
Pour le Rambam, le culte des sacrifices fait partie d’une démarche pédagogique, destinée à éloigner le peuple de l’idolâtrie. Leur but leur est extérieur, ils n’ont pas de finalité propre.
A l’appui de sa démarche, le Rambam cite…Hashem lui-même (Shémot 13/17-18) :
Début de Beshalah : Lorsque le peuple sortit d’Egypte « Dieu ne le dirigea pas par le pays des Philistins….de peur qu’il ne regrette quand ils verront la guerre, et qu’ils retournent en Egypte. Et il détourna le peuple du coté du désert… ».
Autre appui du Rambam, ce Midrash sur Aharei-Mot (Vaykra 17/7), à propos du verset
ולא יזבחו עוד את זבחיהם לשעירם אשר הם זנים אחריהם
« Et ils n’offriront plus leurs sacrifices aux démons (Boucs), au culte desquels ils se prostituent ».
Midrash Rabba 22/8 :
« Rabbi Pinhas dit : C’est comme un roi qui avait un fils très porté sur les nourritures interdites (נבלות וטרפות). Le roi se dit: le détacher de cela-brutalement- c’est impossible, car il s’est déjà accoutumé. Mais s’il vient manger chez moi, il s’en détachera de lui-même.
De même, étant donné qu’Israël étaient attachés à l’idolâtrie en Egypte, et offraient des sacrifices aux démons, le Saint béni soit-il a dit : qu’ils présentent devant moi des sacrifices dans la tente d’assignation, et ils se détacheront de l’idolâtrie et seront sauvés… »
Doit-on conclure que pour le Rambam, et avant lui Rabbi Pinhas, les sacrifices n’auraient d’autre fin « que » de détacher le peuple de l’idolâtrie, sans valeur intrinsèque ?
Selon cette logique, on pourrait se demander si l’évolution des esprits et des mentalités, ou des événements historiques, pourraient rendre « caducs » les sacrifices prescrits par la Tora, et si les Hakhamim ne l’ont pas déjà anticipé après la destruction du temple, en instituant la prière en substitution des Korbanot ?
Pourtant, dans sa monumentale œuvre Halakhique, le Mishnei Tora, en conclusion du chapitre Hilkhot Meila, le Rambam rappelle que si l’on a le droit de s’interroger sur le sens des lois de la Tora, il convient de les mettre en pratique, même si on ne les comprend pas. Il précise que les Korbanot font partie des lois incompréhensibles à l’esprit humain, les Houkim, ce qui équivaudrait à leur reconnaitre un sens fondamental, mais inaccessible à nos esprits.
Le Ramban – Nahmanide, n’est pas du tout d’accord avec cette approche.
Dans son commentaire de notre parasha (1/10), il commence par citer le verset 13, selon lequel le sacrifice est qualifié de « combustion d’une odeur agréable au Seigneur » אשה ריח ניחח לה”.
Puis il attaque violemment « le Rav du Guide des égarés », s’en prenant à l’un de ses arguments selon lequel, les animaux sacrifiés étaient ceux qui représentaient les divinités chaldéennes et égyptiennes, parmi lesquels Israël a vécu, adoptant leurs habitudes…argument qualifié d’absurde) דברי הבאי).
Selon lui, plusieurs personnages ont fait des sacrifices bien avant l’apparition de l’idolâtrie (Adam, Noah, Abel..).
Le Ramban expose plusieurs arguments, tendant à montrer que les Korbanot ont un sens positif.
« Compte-tenu du fait que les actions de l’homme s’accomplissent avec la pensée, la parole et l’acte – מחשבה דיבור מעשה Hashem a ordonné que celui qui a fauté apporte un Korban, qu’il appose ses mains dessus – l’action – qu’il se confesse oralement – la parole – et qu’il livre au feu les entrailles et les reins – siège de la pensée (?) et du désir – les jambes – membres de l’homme exécutant l’action – puis qu’il jette le sang sur l’autel – le sang représentant sa vie….. »
Autre argument du Ramban :
כדי שיחשוב אדם בעשותו כל אלה כי חטא לאלוהיו בגופו ובנפשו, וראוי לו שישפך דמו, וישרף גופו, לולא חסד הבורא שלקח ממנו תמורה וכפר הקרבן הדה שיהיה דמו תחת דמו, נפשו תחת נפשו…
“Afin qu’en faisant tout cela (le sacrifice), l’homme prenne conscience qu’il a fauté envers son Dieu, et qu’il aurait mérité que son sang soit versé et son corps brulé, sans la bonté du Créateur qui accepte que lui soit substitué ce Korban… ».
Pour le Ramban, on le constate, le but des Korbanot ne peut se réduire à lutter contre le mal par le mal. Ils ont un sens positif (odeur agréable à Dieu), et surtout moral, la vue du sacrifice étant sensée provoquer une prise de conscience chez l’homme.
Un bémol, toutefois : son explication n’est valable que pour les sacrifices consécutifs à une faute commise par l’homme. Qu’en est-il des sacrifices de Toda, Shlamim, ou des sacrifices des fêtes ?
Le Maharal apporte un regard qui va compléter celui du Ramban, tout en résolvant cette “difficulté”.
« Tous les Korbanot visent à enseigner que Hashem est un, et que rien n’existe hors de lui… que toutes les créatures, comparées à sa grandeur, sont sans valeur, que tout lui revient, que rien n’existerait sans la bonté divine… » (Gvourot Hashem).
Pour le Maharal, le Korban ne concerne pas que celui qui a fauté, comme cela apparait dans la position du Ramban. Selon lui, au regard de la stricte justice (Midat Hadin), aucune créature ne mériterait d’exister, toute vie étant redevable au Créateur.
La personne qui offre un sacrifice exprime la reconnaissance de cette dépendance, et la soumission à celui à qui il doit son existence.
Shabbat Shalom.