בס”ד
Pessah
Nous poursuivons notre préparation du Seder de Pessah
en abordant un thème central de la fête :
Hamets et Matsa
Cette étude se basera sur un cours de Rabbi Aharon Frankel (zal), un de mes maitres de pensée juive au Maroc (Une partie de ses cours et conférences a été publiée dans « Ouvrir le Livre »). A lire avec attention.
Qu’est-ce que le Hamets ? On en connait le sens simple : la pâte des Hébreux n’avait pas eu le temps de lever, que déjà ils s’étaient mis en route, en rappel de quoi il nous faut manger de la Matsa, et nous abstenir de pâte levée-Hamets à Pessah.
On explique que le Hamets représente le « yetser haraa », le penchant du mal. Mais le Zohar s’interroge : si vraiment le Hamets représente le mauvais penchant, pourquoi est-il permis tout le reste de l’année ?
Par ailleurs, l’un des noms araméens de la Matsa est « Assouta », qui veut dire « médicament ». Quelle maladie veut-on guérir ?
Le Shlah (acronyme de Shnei Louhot Habrit, œuvre de rabbi Yéshaya Horowitz-16 ème) définit le Hamets comme pain issu d’un pain antérieur, un peu à l’image du levain provenant de la décomposition d’une pâte à pain.
La Matsa, au contraire, est un « pain premier », qui ne comporte que les ingrédients essentiels du pain : eau et farine, et un ingrédient abstrait, le temps de fabrication, extrêmement limité (18 mn). Il y a ainsi dans la fabrication de la Matsa, une sorte de hâte, à l’image de la sortie d’Egypte.
La Matsa : un pain premier
On dit dans la Hagada à propos de la Matsa : הא לחמא עניא traduit généralement par « pain de misère ». Mais Lahma Anya, c’est d’abord un « pain pauvre », dépouillé, simple, premier, primitif ; il ne contient que ce qu’il faut pour être appelé « pain ».
Plutôt que « pain de misère », ou « pain misérable » : « pain essentiel ».
Dans la Tora, on distingue trois sortes de pains :
– לחם מן הארץ – le pain de la terre, que vous achetez chez le boulanger.
– לחם מן השמים – le pain qui tombe du ciel, la Manne, à l’opposé du premier. La Manne est décrite dans la Tora comme des grains blancs, sans consistance spéciale. Le mot « manne » serait une forme allongée du mot « ma », le « quoi » qui questionne. Effectivement, les Hébreux ont demandé ce qu’était cette chose tombée du ciel.
Autrement dit, la manne est un pain qui pose question, et suscite des questions.
D’après le Talmud (Yoma 75/a), la manne a tous les gouts possibles. C’est à moi de lui donner le gout désiré, le Taam. Le pain du ciel est disponible, il suffit de désirer…
Mais voila, la manne avait tous les gouts, mais ne rassasiait pas. Projection de l’infini, elle créait une faim infinie.
Les choses de la terre, le bon pain du boulanger, sont finies et cadrées, mais elles rassasient.
Les choses de l’esprit ouvrent tous les possibles, mais ne peuvent rassasier. De plus, c’est à moi de leur donner sens.
– Il y a un troisième pain qui n’est ni du ciel ni de la terre, qui forme en quelque sorte charnière entre les deux, la Matsa. Pain-limite, fait du strict minimum, la Matsa est un pain terrestre. En même temps, elle relève de la Manne, puisqu’à son propos aussi on pose des questions.
Mr Frankel propose la guematria suivante :
Valeur numérique de Matsa : 135, soit 3 fois 45, valeur de la question : Ma ? מצה – מה
Ce sont les trois questions que posent les trois fils :
-Le sage : מה העדות….?
-Le méchant : מה העבודה הזאת לכם?
-Le simple : מה זאת?
Le quatrième ne sachant pas questionner, c’est à “toi de lui ouvrir” la parole את פתח לו
En quelque sorte, la Matsa, comme la Manne, nous ouvre la bouche, et nous fait prononcer ces trois « ma ? ».
Hamets et Matsa
Revenons à la question du Zohar : si le Hamets est l’expression du mauvais penchant, pourquoi ne pas l’avoir interdit toute l’année ?
La Matsa est un pain premier, un commencement absolu, alors que la notion de Hamets implique un antérieur.
(Mr Frankel fait un détour par la faute d’Adam Harishon, ou le serpent (le Hamets, le mauvais penchant) introduit un doute : d’après lui, il y a un antérieur, une préhistoire de la création, qui n’est pas un commencement absolu, ce qui « plombe » toute volonté de changer…c’est cela le Hamets de la création.)
C’est pourquoi l’interdiction du Hamets à Pessah est absolue, et que la règle de « Batel Beshishim » ne peut s’appliquer si une quantité infinitésimale de Hamets tombe accidentellement dans un plat Kasher lé Pessah : tout devient Hamets.
Il y a des dilutions possibles, sauf pour le Hamets : il suffit d’une infime part d’ »antérieur » pour qu’un départ à zéro soit « Hamets », pourri.
Selon le Shlah, la consommation de Matsa est une réparation, un Tikoun, un rééquilibrage de la faute de l’Homme Premier, qui en écoutant le serpent, a introduit le Hamets dans l’homme. Manger du pain premier, c’est retrouver, reprendre l’attitude du départ a zéro, qui est l’essence même de la sortie d’Egypte.
Faudrait-il pour autant interdire le Hamets toute l’année ?
Nous avons une ébauche de réponse. Il s’agit d’un départ. Ce qui est important, c’est que celui-ci soit radical et net. Si par la suite, apparait du Hamets, c’est moins grave, c’est la dimension de l’humain.
Pessah Kasher Vesameah !