בס”ד
Parasha Vayshlah – פרשת וישלח
Beréshit chapitres 32 à 36
Souvenons-nous que Yaakov, suivant les conseils de ses parents, se rend à Haran, pour échapper à la vengeance de Essav, et fonder une famille. A l’issue d’un long séjour, vient l’heure du retour.
C’est richement chargé, et accompagné de ses deux épouses Rahel et Léa, de ses concubines Bilha et Zilpa, et de ses douze enfants, que notre patriarche prend la direction de Kenaan.
Yaakov est préoccupé par sa relation à son frère Essav, et veut en avoir le cœur net.
וישלח יעקב מלאכים אל עשו אחיו
ויצו אתם לאמר
כה תאמרון לאדני לעשו: כה אמר עבדך יעקב
עם לבן גרתי ואחר עד עתה
ויהי-לי שור וחמור צאן ועבד ושפחה
ואשלחה להגיד לאדני למצא-חן בעיניך« Et Yaakov envoya des Mal’akhim devant lui à Essav son frère…et leur ordonna en disant:
Ainsi direz-vous à mon maître à Essav:
Ainsi a dit ton serviteur Yaakov:
Avec Laban j’ai habité et j’ai tardé jusqu’à maintenant
Et j’ai acquis bœuf et âne, menu bétail esclaves mâles et femelles
Et j’envoie dire à mon seigneur pour trouver grâce à tes yeux. »Yaakov charge ces Mal’akhim de porter à Essav un message d’apaisement.
Il veut vérifier l’état d’esprit de Essav. Frère ou ennemi? A-t-il changé, ou est-ce toujours le même Essav? Yaakov se sait à l’abri d’une vengeance, tant que leur père Yitshak est en vie, et il veut mettre à profit cette opportunité pour essayer de faire la paix avec Essav.Seuls des Mal’akhim sont en mesure de sonder les réactions de Essav.
Il s’agit là d’une rencontre hasardeuse et risquée, qui pour de nombreux commentateurs, est l’archétype des relations entre Israël et Edom à travers l’histoire.
Au début de notre parasha, Yaakov et Essav allant à la rencontre l’un de l’autre, sont présentés comme des « frères ». Malgré les craintes, il s’agit bien de « frères ».
Yaakov se demande si la colère de Essav à son égard s’est apaisée, et si une relation fraternelle peut se renouer.
וישלח יעקב מלאכים לפניו אל עשיו אחיו…..
“Yaakov envoya des messagers devant lui à Essav son frère »De meme, Essav qualifie Yaakov de « frère ».
ויאמר עשו יא לי רב אחי יהיה לך אשר לך
« Essav dit : j’en ai amplement, mon frère garde ce qui est à toi ».Que Essav ait sincèrement embrassé Yaakov (selon certains commentateurs), ou qu’il l’ait embrassé avec malveillance (selon d’autres, plus nombreux), leur fraternité est à la base de leur rencontre. Et même si Essav était mal intentionné, on pourrait mettre cela sur le compte de la jalousie et la rancœur, à cause du conflit qui les opposa sur le droit d’ainesse, et de l’épisode de la bénédiction paternelle.
Toute autre est le comportement de Essav en fin de parasha.
ואלה תולדות עשו הוא אדום « Voici les générations de Essav, qui est Edom » (36/1)
Essav s’écarte de la maison d’Abraham, et son identité est désormais : Edom.
Il n’est plus le frère de Yaakov habitant le territoire de Edom. Il est Edom, son histoire est celle d’Edom.
ואלה תולדות עשו אבי אדום בהר שעיר
“Voici les engendrements de Essav père de Edom au mont Sé’ir” (36/9).Deux actions vont illustrer ce retrait de la maison d’Abraham.
1/ Ses mariages avec des femmes cananéennes
עשו לקח את נשיו מבנות כנען….אלה בני עשו אשר ילדו לו בארץ כנען
« Essav prit ses femmes parmi les filles de Kénaan,,, (36/2)
« Tels sont les fils de Essav qui lui naquirent au pays de Kénaan » (36/5).Souvenons-nous pourtant qu’à la fin de Toledot « Essav vit que les filles de Kénaan déplaisaient à son père……..et prit pour femme Mahalat, fille d’Yishmaël, fils d’Abraham… » (28/8-9).
2/ La seconde étape de ce retrait, est son abandon d’Eretz Israël.
ויקח עשו את נשיו ואת בניו ואת בנותיו ואת כל נפשות ביתו ואת מקנהו ואת כל בהמתו ואת כל קנינו אשר רכש בארץ כנען וילך ארץ מפני יעקב אחיו
« Essav prit ses femmes, ses fils, ses filles, et tous les gens de sa maison, ses troupeaux, toutes ses bêtes et tout le bien qu’il avait acquis au pays de Kénaan, et il émigra vers un autre pays à cause de son frère Yaakov. » (36/6)Cette décision est significative au regard de son identité,
Tant que le séjour de Yaakov se prolongeait à Haran, peut-être Essav a-t-il cru que son frère y resterait définitivement. Si Yaakov, parti « pour quelques jours » (ימים אחדים), y est resté plus de vingt ans, il a pu supposer que son frère tournait le dos à Eretz Israël.
Essav se serait alors vu comme l’héritier et le continuateur de la filiation d’Abraham et Yitshak.
Mais lorsque Yaakov revient, il s’avère alors que son séjour à Haran était temporaire, et qu’il avait l’intention de reprendre sa place en Eretz Israël.
Essav cède alors le terrain, et rompt tout lien familial. Il n’appartient plus à la maison d’Abraham, il est אבי אדום – l’ancêtre de Edom (36/9 plus haut).
Les versets suivants mettent en évidence cet éloignement:
וישב יעקב בארץ מגורי אביו בארץ כנען. אלה תולדות יעקב יוסף בן שבע-עשרה שנה…
“Yaakov demeura dans le pays de pérégrinations de son père dans le pays de Kénaan. Voici l’histoire (les engendrements) de Yaakov, Yossef agé de dix-sept ans…(37/1-2 Vayéshev)
וישב עשו בהר שעיר עשו הוא אדום. ואלה תולדות עשו אדום בהר שעיר.
« Essav se fixa sur la montagne de Sé’ir, Essav c’est Edom. Et voici l’histoire de Essav père des Edomites, sur la montagne de Sé’ir » (36/8-9)L’opposition est flagrante. Alors que Yaakov s’installe « sur la terre de pérégrination de son père », et y crée une famille qui va perpétuer la tradition familiale, Essav s’installe sur la terre de Sé’ir. Le texte prend soin, à plusieurs reprises, de mettre en évidence l’identification de Essav avec ses habitants. Ses engendrements sont ceux de la nation édomite, parmi laquelle il crée une dynastie royale, comme le souligne le verset :
ואלה המלכים אשר מלכו בארץ אדום לפני מלוך מלך לבני ישראל
“Voici les rois qui régnèrent dans le pays d’Edom avant qu’un roi régnât sur les enfants d’Israël » (36/31)Pour résumer, le personnage de Essav, que notre parasha qualifie de « frère », certes en conflit, mais frére quand même, se détache et prend un chemin divergent.
On assistera bien plus tard, lors de la sortie d’Egypte, à une nouvelle rencontre entre Israël et la nation de Essav, Edom.
Lors de la traversée du désert, les Bne-Israël trouvent sur leur route le territoire de Edom. Sachant que l’itinéraire des Bne-Israël était déterminé par la nuée, on se doute que ce face à face n’était pas l’effet du hasard.
Moshé demande au roi de Edom la permission de traverser son territoire. A deux reprise, il refuse, malgré les assurances et les offres de paiement de Moshé, et envoie ses guerriers.
Moshé s’adresse d’abord à lui en « frère ». Il lui raconte l’esclavage en Egypte, l’intervention divine et la délivrance. Rien n’y fait.
Face au premier refus, Moshé comprend que la fraternité n’est plus de mise, et propose de payer « rubis sur l’ongle » pour le passage et pour l’eau. Il essuie un second refus.
Nous allons retrouver l’opposition Israël-Edom, des siècles plus tard, dans le texte de la Haftara, extrait de la prophétie de Ovadia (chapitre 1).
Jusqu’au verset 9 (début de la Haftara), le prophète reproche à Edom, son orgueil, et son sentiment de supériorite, et lui annonce que « quand même t’élèverais-tu comme un aigle, établirais-tu ton aire au milieu des étoiles, même de là, je te ferai descendre, parole de l’Eternel ».
A partir du verset 10, le ton change :
« A cause de ta violence contre ton frère Yaakov, la honte te couvrira, et tu seras ruiné pour toujours » (Ovadia 1/10).
Mais en même temps, Essav/Edom est confondu avec les autres nations étrangeres :
« Mais il est proche le jour de Dieu pour toutes le nations qui ont agi comme toi » (1/15).
Alors, Essav comme frère ou comme nation étrangère ?
Cette ambivalence dans la relation entre Israël et Essav/Edom est loin d’être résolue.
Shabbat Shalom