Parashat Térouma

בס”ד

Parashat Térouma – פרשת תרומה
Shémot chapitres 25 à 27
L’élément dominant de la parasha Yitro était le don de la Tora, alors que Mishpatim contenait un important corpus de lois régissant les rapports de l’homme à son prochain.
Térouma, et les parashiot suivantes, sont consacrées à la fabrication du Mishkan, le sanctuaire du désert, l’appel à la générosité du peuple pour rassembler les matériaux nécessaires, et la description détaillée des différents élément du Mishkan.
Le récit sera interrompu, dans une des prochaines parashiot, Ki-Tissa, par le tragique épisode du veau d’or.
Nos maitres s’interrogent et s’opposent sur la question de savoir si l’ordre de construire le Mishkan a précédé, ou suivi l’évènement du veau d’or. Le débat n’est pas dénué de sens, bien au contraire. En fait, il porte sur la fonction même du Mishkan.
Deux points de vue « s’affrontent » sur ce thème, représentés en gros, par Rashi et le Ramban-Rabbi Moshé Ben Nahman.
Moshe gravit la montagne à la fin de Mishpatim, et y reste quarante jours et quarante nuits. (24/15-18)
Immédiatement après, la parasha Térouma commence par…
וידבר ה” אל משה לאמר: דבר אל בני ישראל ויקחו לי תרומה מאת כל איש אשר ידבנו לבו תקחו את תרומתי…..ועשו לי מקדש ושכנתי בתוכם
“Hashem parla à Moshé pour dire: parle aux enfants d’Israël qu’ils prennent pour moi un prélèvement (térouma) de tout homme que portera son cœur, vous prendrez mon prélèvement……Et ils me feront un sanctuaire, et je résiderai au milieu d’eux.” (25/1-8)
Une lecture simple du texte nous indique que l’ordre de construction du Miskan a été donné à Moshé, au tout début de son séjour de quarante jours au Sinaï, destiné a recevoir la Torah.
Cependant, comme nous l’avons indiqué plus haut, tous les commentateurs n’ont pas adopté cette lecture, dont Rashi, qui écrit dans son commentaire sur Ki-Tissa :
אין מוקדם ומאוחר בתורה מעשה העגל קודם לציווי מלאכת המשכן…

« Il n’y a pas d’avant et d’après dans la Torah, l’action du veau d’or précède l’ordre de construction du Mishkan… »
Selon Rashi, il n’y a pas forcément de chronologie dans le récit de la Torah. D’après lui, Dieu n’aurait ordonné la construction du Mishkan qu’après que Moshé ait reçu les secondes Tables de la Loi, soit après qu’il ait obtenu le pardon des Bnei-Israël pour la faute du veau d’or. Le Mishkan exprimerait la prise en compte par Hashem, d’une baisse de spiritualité du peuple, et de la nécessité d’installer en son sein, un signe concret de la Présence Divine.
Cette lecture soulève de nombreuses difficultés d’interprétation sur lesquelle nous ne nous appesantirons pas.
Fidele à sa méthode, le Ramban adopte la lecture simple du texte selon laquelle ce qui est écrit avant, précède ce qui est écrit après. Selon cette lecture littérale, l’ordre de construction du Mishkan précède le don des secondes Tables et le pardon accordé aux Bnei-Israël à la suite de la faute du veau d’or.
Cette lecture se heurte également à des difficultés d’ordre interprétatif.
Au delà de ce débat de « spécialistes », se profilent en fait, des questions plus fondamentales, liées au rôle et au sens du Mishkan.
Moshé est monte au Sinaï, afin de recevoir « les Tables de pierre et la Torah et le commandement que j’ai écrits pour les enseigner ». (24/12-fin de Mishpatim)
La première chose qui fut dite à Moshé (suivant la chronologie chère au Ramban) concernait la construction du Mishkan (début de Térouma). Pourquoi cette prééminence du Mishkan, sur les très nombreuses mitsvot qui furent données à Moshé durant ces quarante jours ?
Selon le commentaire du Ramban, après que Dieu se soit directement adressé au peuple, et que celui-ci, par son acceptation des commandements, ait acquis une dimension de sainteté, les Bnei-Israël « méritaient qu’il y ait parmi eux un sanctuaire ou résiderait la Présence Divine. Il a donc ordonné en premier qu’il y ait parmi eux une maison consacrée a son nom. » (Ramban Shémot 25/1)
Le Mishkan viendrait donc, selon le Ramban, consacrer, récompenser, le niveau de sainteté atteint par le peuple.
Et il prolonge son propos par un argument complémentaire …

« …Que la gloire (le Kavod) qui s’est manifestée au mont Sinaï, réside sur le peuple….et que la gloire qui leur est apparue au Mont Sinaï, soit toujours dans le Mishkan avec Israël… »
Le Ramban considère que le Mishkan prolonge la révélation divine qui a eu lieu au Sinai. Il n’est donc pas étonnant que l’ordre de construire le Mishkan soit venu immédiatement après les Dix Commandements.
Mais revenons à Rashi, et essayons de comprendre son point de vue, qui considère que notre Parasha sort de l’ordre chronologique.
Il est clair que la Torah n’est pas un livre d’histoire, et que son récit n’est pas « ligoté » par la chronologie. Il n’empêche que la première lecture du texte est chronologique, et que tout commentateur qui voudrait s’en écarter, doit s’appuyer sur une argumentation solide.
Il semblerait que Rashi (1040-1105) et le Ramban (1114-1270) se séparent à propos de la fonction essentielle du Mishkan.
Pour le Ramban, Le Mishkan est dès le départ, partie intégrante du projet divin. Rashi, par contre, pense que le Mishkan est une conséquence de la faute du veau d’or. En quelque sorte, s’il n’y avait pas eu de veau d’or, il n’y aurait pas eu d’expression matérialisée de la Présence Divine.
A l’appui de cette thèse, on peut citer, entre autres, ce verset qui suit la promulgation des dix commandements à la fin de la parasha Yitro :
מזבח אדמה תעשה לי « Un autel de terre tu me feras »…
Sforno commente ainsi ce verset :
וגם כן לא תצטרך לעשות היכלות של כסף וזהב ואבנים יקרות למען אקרב אליכם, אבל יספיק מזבח אדמה
“De même, il ne sera pas nécessaire de construire des temples d’argent, d’or et de pierres précieuses, pour que je sois proche de vous ; mais un autel de terre suffira. »
Le Sforno nous enseigne que dans une situation idéale, le Mishkan n’est pas du tout nécessaire, qu’un autel de terre suffirait, et que la proximité divine n’a besoin d’aucun ustensile d’or et d’argent.
Selon le Sforno, on pourrait, dans une telle situation, se rapprocher de Dieu, sans avoir recours à des moyens matériels, tels que les « temples d’argent et d’or ».
Cependant demeure une question contre la thèse de Rashi: si l’ordre de construire le Mishkan se situe vraiment après le veau d’or et les secondes Tables (selon Rashi), pourquoi le texte de la Torah le présente-t-il juste après que Moshé ait gravi la montagne ? Qu’y avait-t-il de si urgent à

évoquer le Mishkan, au point de donner l’impression erronée (selon Rashi), que cet ordre a précédé la faute du veau d’or ?
Entre autres explication, celle du rav Yair Kahan. D’après lui, la Torah a voulu écarter l’idée selon laquelle le Mishkan, et le Beit Hamikdash, seraient une conséquence de la faiblesse du peuple d’Israël, manifestée par la faute du veau d’or.
C’est pourquoi, bien que l’ordre du Mishkan soit consécutif au veau d’or et aux secondes Tables (selon Rashi), la Tora n’a pas voulu que nous voyions dans le Mishkan une concession à la faiblesse humaine d’un peuple-Israël, à qui a été assignée la mission d’être…
ממלכת כהנים וגוי קדוש « un royaume de prêtres et une nation sainte ». (Shémot 19/6)
Shabbat Shalom 

Dvar Charles et Herve JUDAISME