Parashat Vaykra Charles OHNONA– פרשת ויקרא

Parashat Vaykra Charles OHNONA– פרשת ויקרא

בס”ד

 

Parashat Vaykra – פרשת ויקרא
Vaykra chapitres 1 à 5

 

La parasha Vaykra est la première du Houmash Vaykra, dont la plus grande partie est consacrée aux Korbanot-sacrifices, qui « animeront » le Mishkan maintenant achevé.

Vous vous souvenez que nous avions consacré le Dvar Tora de la semaine dernière, au lien que le langage de la Tora, et les sages, établissent entre le Mishkan ou le Beth-Hamikdash, et la création du monde.

Avant d’aborder le sujet essentiel de notre parasha, celui des Korbanot, j’ai eu envie de vous faire partager une réflexion du Rav Léon Ashkenazi-Manitou, un des maitres de l’école française de pensée juive, consacrée justement au Mishkan-Mikdash (La parole et l’écrit. Albin Michel-1999).

 Nous reviendrons en seconde partie, à la parasha Vayikra.

« Le mot « mishkan » vient de la racine SHKN (שכן) qui a deux sens fondamentaux : à partir du premier d’entre eux, « résider », mishkan …signifierait l’endroit, le lieu, le véhicule de la résidence. L’autre sens… « présence », « être présent » est plus étroitement lié à notre sujet. C’est de cette racine….que vient le terme de Shékhina (שכינה), la Présence du Créateur à travers sa Création. »

« Des « refrains scandent le récit des six jours du Commencement : « Et ce fut soir, ce fut matin, jour un…puis deux, puis trois, etc. Au sixième jour, c’est l’homme qui apparait dans le monde, qui est déjà suffisamment agencé pour qu’il soit habitable par l’homme

« A l’instant précis ou l’homme entre dans le récit, dans l’histoire du monde, le Créateur cesse d’intervenir en tant que Créateur….et alors commence l’histoire de l’humanité avec un projet pour le septième jour… le projet de sainteté.

« …à la fin du récit de chaque jour, nous avons un même verset-refrain. Mais pour le septième jour, il n’est pas écrit « ce fut soir, ce fut matin »….par le fait que le monde de la Création dans le septième jour est le monde en état de Shabbat du Créateur, il s’agit d’un monde stabilisé, déterminé par les lois de la nature afin que la liberté de l’homme puisse avoir un fondement.

« Tout se passe donc comme si ce septième jour n’avait pas encore vu son accomplissement, comme si nous attendions l’achèvement du septième jour et l’entrée dans le huitième, le huitième jour étant le temps messianique.

« La Torah, à sa manière, raconte comment l’humanité toute entière est occupée à faire émerger le projet de sainteté ; finalement, émerge du récit biblique une certaine matrice centrale de l’engendrement de l’homme du huitième jour, qui est Israël.

« Et là se pose la question du Mishkan. Soit un verset clé sur ce sujet…

ועשו לי מקדש ושכנתי בתוכם

 

« Ils me feront un sanctuaire et Je résiderai parmi eux » (Shémot 25/8).

« …Mais question préalable : Comment est-il possible qu’un monde existe ? Dans le monde de Dieu, il n’y a pas il n’y a pas de place pour l’homme. Dans le monde de l’homme, il n’y a pas de place pour Dieu. Face à l’Etre absolu, il n’y a pas de place pour un être relatif. Face au soleil, une bougie disparait…si le soleil vient à coté de la bougie, il n’y a plus de bougie… 

« Le récit biblique pose la question suivante : Comment faire exister un monde ou l’homme et Dieu soient présents ? C’est ce qu’il va appeler « Mikdash ». Et il y a deux parties dans cette aventure. D’abord les six jours du Commencement, ou c’est Dieu qui fait sa part du travail dans l’alliance Créateur-créature. Il aménage le monde de telle sorte qu’il soit habitable par l’homme, puis Il Se cache.

« Alors commence le monde du septième jour que l’homme doit à son tour aménager de telle sorte qu’il soit à nouveau habitable par Dieu.

« L’aventure de l’histoire, c’est de construire le Mikdash, c’est-à-dire un endroit dans le monde ou la coexistence, la Shékhina réciproque, soit possible. 

« …mais l’objectif du récit, c’est le monde devenant Mikdash…il s’agit en fait…du monde agencé de telle sorte que la présence de Dieu et de l’homme soit possible ».

(Ce texte passionnant, est loin d’être fini, j’en ai seulement prélevé une partie.)

Vayikra

Notre parasha énumère et décrit le mode opératoire, ainsi que les circonstances liées à l’offrande des différents Korbanot : Ola, Minha, Shlamim, Hatat, Asham.

Le verset 2 de notre parasha introduit ainsi l’institution des Korbanot :

אדם כי-יקריב מכם קרבן לה” מן-הבהמה מן-הבקר ומן-הצאון תקריבו את-קרבנכם

“ Un homme d’entre vous qui offrira un sacrifice à Hashem une offrande de bétail, c’est avec du gros ou du petit bétail que vous offrirez votre sacrifice ».

La première partie de ce verset : אדם כי יקריב מכם–un Adam qui sacrifiera-approchera, de vous (mot à mot), a inspiré aux commentateurs de nombreux rapprochements, notamment avec les premiers sacrifices de la Tora, ceux d’Adam (précisément), de Kayn et Abel.

Réflexion :

Pourquoi la Tora demande-t-elle de sacrifier des animaux ? Quel est le sens des korbanot ?

Qui en a besoin ? Hashem ? L’homme ? Pourquoi faire ?

Ce questionnement  se retrouve dans le débat emblématique qui a opposé–et oppose toujours des siècles plus tard- deux géants de la Tora, le Rambam (Maimonide, 1135-38-1204), et le Ramban (Nahmanide, 1194-1270).

Entrons dans le vif du sujet, en commençant par l’approche du Rambam, exposée dans le Guide des égarés  מורה נבוכים.

 

Fidèle à son approche rationnelle, le Rambam explique que l’usage des sacrifices était très répandu chez les peuples païens antiques, qui, à travers cette pratique, rendaient un culte à leurs divinités. Nos ancêtres ayant vécu parmi ces peuples (Egyptiens, Chaldéens…) ont été profondément marqués par cette habitude.

Plutôt que de nous demander d’abandonner ces pratiques, Dieu dans sa sagesse, les aurait laissées, mais les aurait transférées sur son nom, d’où les ordres de lui construire un Mishkan, d’y élever des sacrifices, de bruler de l’encens…

Dans le même temps, Dieu exige l’exclusivité, et l’exclusion des divinités païennes.

Pour le Rambam, le culte des sacrifices fait partie d’une démarche pédagogique, destinée à éloigner le peuple de l’idolâtrie. Leur but leur est extérieur, ils n’ont pas de finalité propre.

A l’appui de sa démarche, le Rambam cite…Hashem lui-même (Shémot 13/17-18) :

Début de Béshalah : Lorsque le peuple sortit d’Egypte «  Dieu ne le dirigea pas par le pays des Philistins….de peur qu’il ne regrette quand ils verront la guerre, et qu’ils retournent en Egypte. Et il détourna le peuple du coté du désert… ».

Autre appui du Rambam, ce Midrash sur Aharei-Mot (Vaykra 17/7), à propos du verset

ולא יזבחו עוד את זבחיהם לשעירם אשר הם זנים אחריהם

« Et ils n’offriront plus leurs sacrifices aux démons (Boucs), au culte desquels ils se prostituent ».

Midrash Rabba 22/8 :

« Rabbi Pinhas dit : C’est comme un roi qui avait un fils très porté sur les nourritures interdites (נבלות וטרפות). Le roi se dit: le détacher de cela-brutalement- c’est impossible, car il s’est déjà accoutumé. Mais s’il vient manger chez moi, il s’en détachera de lui-même. 

De même, étant donné qu’Israël étaient attachés à l’idolâtrie en Egypte, et offraient des sacrifices aux démons, le Saint béni soit-il a dit : qu’ils présentent devant moi des sacrifices dans la tente d’assignation, et ils se détacheront de l’idolâtrie et seront sauvés… »

Doit-on conclure que pour le Rambam, et avant lui Rabbi Pinhas, les sacrifices n’auraient d’autre fin « que » de détacher le peuple de l’idolâtrie, sans valeur intrinsèque ?

Selon cette logique, on pourrait se demander si l’évolution des esprits et des mentalités, ou des événements historiques, pourraient rendre « caducs » les sacrifices prescrits par la Tora, et si les Hakhamim ne l’ont pas déjà anticipé après la destruction du temple, en instituant la prière en substitution des Korbanot ?

Pourtant, dans sa monumentale œuvre Halakhique, le Mishnei Tora, en conclusion du chapitre Hilkhot Meila, le Rambam rappelle que si l’on a le droit de s’interroger sur le sens des lois de la Tora, il convient de les mettre en pratique, même si on ne les comprend pas.       Il précise que les Korbanot font partie des lois incompréhensibles à l’esprit humain, les Houkim, ce qui équivaudrait à leur reconnaitre un sens fondamental, mais inaccessible à nos esprits.

Le Ramban – Nahmanide, n’est pas du tout d’accord avec cette approche.

Dans son commentaire de notre parasha (1/10), il commence par citer le verset 13, selon lequel le sacrifice est qualifié de « combustion d’une odeur agréable au Seigneur » אשה ריח ניחח לה”.

Puis il attaque violemment « le Rav du Guide des égarés », s’en prenant à l’un de ses arguments selon lequel, les animaux sacrifiés étaient ceux qui représentaient les divinités chaldéennes et égyptiennes, parmi lesquels Israël a vécu, adoptant leurs habitudes…argument qualifié d’absurde (דברי הבאי).

Selon lui, plusieurs personnages ont fait des sacrifices bien avant l’apparition de l’idolâtrie (Adam, Noah, Abel..).

Le Ramban expose plusieurs arguments, tendant à montrer que les Korbanot ont un sens positif.

« Compte-tenu du fait que les actions de l’homme s’accomplissent avec la pensée, la parole et l’acte   מחשבה דיבור מעשה Hashem a ordonné que celui qui a fauté apporte un Korban, qu’il appose ses mains dessus – l’action – qu’il se confesse oralement – la parole – et qu’il livre au feu les entrailles et les reins – siège de la pensée (?) et du désir – les jambes – membres de l’homme exécutantl’action – puis qu’il jette le sang sur l’autel – le sang représentantsa vie….. »

Autre argument du Ramban :

כדי שיחשוב אדם בעשותו כל אלה כי חטא לאלוהיו בגופו ובנפשו, וראוי לו שישפך דמו, וישרף גופו, לולא חסד הבורא שלקח ממנו תמורה וכפר הקרבן הזה שיהיה דמו תחת דמו, נפשו תחת נפשו…

“Afin qu’en faisant tout cela (le sacrifice), l’homme prenne conscience qu’il a fauté envers son Dieu, et qu’il aurait mérité que son sang soit versé et son corps brulé, sans la bonté du Créateur qui accepte que lui soit substitué ce Korban, dont le sang remplace le sien, et la vie remplace la sienne ».

Pour le Ramban, on le constate, le but des Korbanot ne peut se réduireà lutter contre le mal par le mal. Ils ont un sens positif (odeur agréable à Dieu),  et surtout moral, la vue du sacrifice étant sensée provoquer une prise de conscience chez l’homme.

Un bémol, toutefois : son explication n’est valable que pour les sacrifices consécutifs à une faute commise par l’homme. Qu’en est-il des sacrifices de Toda, Shlamim, ou des sacrifices des fêtes ?

Le Maharal apporte un regard qui va compléter celui du Ramban, tout en résolvant cette “difficulté”.

« Tous les Korbanot visent à enseigner que Hashem est Un, et que rien n’existe hors de lui… que toutes les créatures, comparées à sa grandeur, sont sans valeur, que tout lui revient, que rien n’existerait sans la bonté divine… » (Gvourot Hashem).

 

 

 

Pour le Maharal, le Korban ne concerne pas que celui qui a fauté, comme cela apparait dans la position du Ramban. Selon lui, au regard de la stricte justice (MidatHadin), aucune créature ne mériterait d’exister, toute vie étant redevable au Créateur.

La personne qui offre un sacrifice exprime la reconnaissance de cette dépendance, et la soumission à Celui à qui il doit son existence.

Shabbat Shalom.

 

 

Dvar Charles et Herve JUDAISME