Introduction aux Pirkei Avot

Introduction aux Pirkei Avot

Introduction aux Pirkei Avot
Les Maximes des Pères

Depuis le Shabbat qui suit Pessah, jusqu’à celui qui précède Shavouot, il est de coutume de lire, et étudier chaque Shabbat, un chapitre des Pirkei Avot.

Le Traité Avot, est partie intégrante de la Mishna, mais contrairement aux autres traités, Avot n’a pas de Guémara. La raison en est, que les discussions des rabbins autour de la Mishna, qui ont donné la Guemara, avaient pour but d’en dégager la Halakha, la Loi pratique.

Or l’objet du Traité Avot n’est pas la Loi et son observance pointilleuse, mais l’Ethique, la morale, l’humain.

Mais cette morale ne vient pas de nulle part, elle sous-tend l’enseignement de la Tora, reçue au Sinaï.

La premiere Mishna du premier chapitre enseigne…

משה קבל תורה מסיני ומסרה ליהושע ויהושע לזקנים וזקנים לנביאים ונביאים מסרוה לאנשי כנסת הגדולה

« Moshe reçut la Tora du Sinaï, et la transmit à Josué, et Josué aux Anciens, et les Anciens aux prophètes, et les prophètes la transmirent aux hommes de la Grande Assemblée… »

La seconde Mishna cite un enseignement de Shimon Hatsadik, l’un des derniers membres de la Grande Assemblée (nous y reviendrons).

Apres la Grande Assemblée, la Mishna ne parle plus de « transmission », mais de « réception ».

En effet, les Mishnayot commencent ainsi…

3/ אנטיגנוס איש סוכו קבל משמעון הצדיק. הוא היה אומר…

« Antigone l’homme de Sokho reçut –l’enseignement- de Shimon Hatsadik. Il disait… »

4/ יוסי בן יועזר …ויוסי בן יוחנן …קבלו ממנו...

« Yossi ben Yoezer…et Yossi ben Yohanan…reçurent -l’enseignement- de lui (Shimon Hatsadik)… »

Deux autres « couples » de Hakhamim continueront ainsi de « recevoir » l’enseignement de leurs prédécesseurs, jusqu’à l’apparition de Hillel et Shamay.

Les mots pour le dire

Le Maharal de Prague, et plus près de nous, l’un de ses disciples Rabbi Aharon Frankel, s’interrogent à propos des termes des premières mishnayot.

Voici les mots qui posent question :

Tout d’abord, on aura remarqué que Moshé « reçoit la Tora », puis la « transmet » au suivant, qui transmet au suivant qui transmet, etc. jusqu’à la Grande Assemblée.

Le texte ne dit pas « Dieu donna, ou transmit, la Tora à Moshé, qui la transmit à… ».

 

Par ailleurs, « Moshé reçut Tora MiSinai-תורה מסיני »

Le texte ne nous dit pas  « Moshé reçut la Tora » ; l’absence d’article défini semble indiquer que « Moshé reçut de la Tora », ou « une Tora », ou encore une partie de la Tora. Que signifie cette restriction ?

Selon A. Frankel, nous pouvons entendre qu’il est impossible de recevoir toute la Tora. La Tora est infinie, aucun homme ne peut la contenir. Elle est comprise dans la Tradition comme « la sagesse de Dieu – חכמתו של הקדוש ברוך הוא « 

L’homme, fut-il Moshé, ne peut recevoir qu’un fragment de Tora. Il a reçu tout au plus, tout ce qu’un homme peut en appréhender.

Lorsque le texte dit « Moshé kibel Tora », il faut l’entendre du point de vue de l’homme qui reçoit. On ne pourrait pas dire que « Dieu a donné une Tora à Moshe ». Dieu ne peut pas avoir donné quelque chose d’incomplet.

Moshé a reçu tout ce qu’un homme peut recevoir de Tora, mais personne ne peut recevoir « la » Tora entière.

Il y a donc une dimension du « recevoir ». Je reçois ce que je suis capable de recevoir, pas d’avantage. Moshe a reçu toute la Tora qu’un homme peut recevoir.

Dans le geste de transmettre, au contraire, Moshé transmet à Josué tout ce qu’il a reçu.

Les premières Tables de la Loi étaient, nous dit-on, transparentes. Moshé les brisa en réaction au veau d’or.

Il dut remonter, et redescendre quatre-vingts jours après, avec les secondes Tables.

Grande différence : les secondes Tables, qui elles, arrivèrent à destination,  n’étaient plus transparentes. Alors que le texte transparent est immédiatement compréhensible, le texte des deuxièmes Tables, devra lui, être interprété.

(Ce qui fait dire au Professeur Leibowitz, qu’au Sinaï, Moshé reçut, et transmit l’autorité de développer la Loi Orale).

Autre interrogation : Que signifie le fait que Moshé reçut la Tora « du Sinaï », et non « au Sinaï » ?

Il est clair qu’il ne s’agit pas de géographie. On veut nous dire que Moshé a reçu la Tora à partir de l’expérience du Sinaï, Cette expérience, c’est recevoir la Tora « au pied du mur ».

Alors que les Hébreux ont accueilli la Tora en disant spontanément « nous ferons et nous comprendrons נעשה ונשמע», Dieu, selon le Midrash, les contraignit de recevoir la Tora, sous peine de renverser sur eux la montagne, le Sinaï.

Cette double acceptation, spontanée et contrainte, fait dire au Talmud (Baba Kama 38a)

גדול מצוה ועושה משאינו מצוה ועושה

« Plus grand est celui à qui l’on a imposé son acte, que celui dont l’acte est spontané. »

C’est contraire à nos habitudes de pensée : la Tradition juive juge plus méritoire un acte imposé, accepté, qu’un acte spontané.

Une chose obligatoire est la chose de l’autre, alors que la chose spontanée m’appartient.

La Tora devait être donnée autant sur le mode d’une acceptation libre, qui traduit un engagement profond, que sur le mode d’une acceptation forcée, qui traduit la volonté de Dieu.

La Tora est à la fois ma Tora, et la Tora de Dieu.

Dvar Charles et Herve JUDAISME