SHAVOUOT

SHAVOUOT

בס”ד

Shavouotשבועות

 

La fête de Shavouot marque le don de la Tora- Matan Tora, lors de la révélation au Mont Sinaï, devant le peuple rassemblé au pied de la montagne.

A de nombreuses reprises, nos Maitres comparent la Tora à deux éléments apparemment inconciliables, l’eau et le feu.

Qu’est-ce que ces deux éléments ont de commun avec la Tora ? Que nous enseignent-ils ?

Voyons d’abord quelques uns des nombreux textes qui se réfèrent à cette analogie…

L’eau

1/Traité Baba Kama 82/A

...דתניא: וילכו שלושת ימים במדבר ולא מצאו מימ דורשי רשימות אמרו “אין מים אלא תורה”

שנאמר “הוי כל צמא לכו למים” כוון שהלכו שלושת ימים בלא תורה נלאו…

« …ainsi qu’il est enseigné « ils marchèrent trois jours dans le désert et ne trouvèrent pas d’eau » (Shémot 15/22) ; les commentateurs ont dit « il n’y a d’eau que la Tora  (l’eau est une allusion à la Tora) », ainsi qu’il est écrit « que tout celui qui a soif aille vers l’eau » (Isaïe 55/1). Lorsqu’ils eurent marché trois jours sans Tora, ils défaillirent ».

Suite à cette discussion fut instituée la lecture publique de la Tora le Lundi et le  Jeudi, afin que le peuple ne reste pas sans Tora plus de trois jours.

2/ Traite Taanit 7/A

אמר רבי חנינה בר אידי: למה נמשלו דברי תורה למים?

דכתיב “הוי כל צמא לכו למים (ישעיה נה א)

לאמר לך: מה מים מניחין מקום גבוה והולכין למקום נמוך,

 אף דברי תורה אין מתקיימין אלא במי שדעתו שפלה.

« Rabbi Hanina Bar Ydi  a dit: pourquoi la Tora est-elle comparée à l’eau?

Car il est écrit « que tout celui qui a soif aille vers l’eau » .

Afin de t’enseigner que de même que l’eau quitte un endroit élevé pour un endroit plus bas,

De même, les paroles de la Tora ne perdurent que chez quelqu’un de humble. »

Rabbi Hanina nous livre un enseignement d’une extrême importance. Celui qui aborde l’étude de la Tora avec humilité, avec la conscience sincère de son ignorance, et « la soif d’apprendre », celui-ci se transforme en réceptacle, en Kéli prêt à recevoir la Tora.

3/A cette notion d’humilité, le Midrash Tanhouma (sur la parasha Vayak’hel 8) ajoute  à notre question, une autre explication…

…שנאמר: הוי כל צמא לכו למים. כשם שאין אדם מתבייש לומר לחברו “השקני מיים” כך לא יתבייש לומר לקטן ממנו “למדני תורה…וכשם שהמים כל הרוצה לשתות ישתה בלא מחיר. כך כל הרוצה ללמוד תורה לומד בלא מחיר ובלא כסף  שנאמר “לכו שברו בלא כסף ובלא מחיר”…

“…ainsi qu’il est dit “que tout celui qui a soif aille vers l’eau”. De même qu’on n’a pas honte de dire à son prochain « abreuve moi d’eau », on ne doit pas avoir honte de dire à plus petit que soit « enseigne moi la Tora…et de même que quiconque veut boire le fait gratuitement, celui qui veut étudier la Tora le fait gratuitement, ainsi qu’il est écrit « allez achetez sans argent et sans prix » (Isaïe 55/A).

Ainsi, le premier texte que nous avons vu, présente la Tora, comparée a l’eau,  comme la condition de survie du peuple juif, au point de « ne pas laisser le peuple sans Tora plus de trois jours ».

Le second enseigne que la Tora est a la disposition de tout celui qui a l’humilité d’y aspirer.

Le troisième enfin, est un  double « clin d’œil », appelant celui qui aspire à la Tora à oser la solliciter, et au détenteur du savoir, à le dispenser gratuitement, car comme l’eau, la Tora est un bien commun.

 

Le feu

La Mékhilta de Rabbi Eliezer sur Yitro introduit ainsi le sujet…

“והר סני עשן כולו” מפני מה? “מפני אשר ירד עליו ה” באש”.

מגיד שהתורה אש, ומאש ניתנה, ובאש נמשלה.

מה דרכה של אש, שאם קרב אדם אצלה נכווה, רחק ממנה צונן,

אין לו לאדם אלא להתחמם כנגד אורה.

« Et le mont Sinaï était tout entier en fumée » ;  à cause de quoi ? « car le Seigneur y était descendu au milieu du feu ».

Cela enseigne que la Tora est feu, et qu’elle fut donnée à partir du feu, et qu’elle est comparée au feu.

De même que vis-à-vis du feu, qui s’en approche se brûle, et qui s’en éloigne prend froid, il ne reste à l’homme qu’à se réchauffer à sa flamme ».

La Meékhilta de Rabbi Shimon Bar Yohay quant à elle, ajoute à propos du même verset de Yitro…

באש. מלמד שנמשלו דברי תורה לאש.  מה אש חיים לעולם, אף דברי תורה חיים לעולם.

« Au milieu du feu. Cela nous enseigne que les paroles de la Tora sont comparées au feu. De même que le feu apporte la vie au monde, les paroles de la Tora apportent la vie au monde.. »

Nos deux illustres commentateurs sont bien d’accord que « le feu n’apporte la vie au monde », que si l’on sait se réchauffer devant sa flamme.

 

Le feu et l’eau

Une Mishna du traité Sanhedrin, dressant la liste des cas d’exception qui n’ont pas de part au Monde qui vient, cite “celui qui dit…la Tora n’est pas du ciel” האומר…אין תורה מן השמים.

Dans la parasha Beréshit 1/8,  Rashi explique ainsi le mot qui désigne le ciel שמים -…

ויקרא א-להים לרקיע שמים …אש ומים שערבן זה בזה, ועשה מהם שמים

« Et Dieu appela le firmament Shamayim, du feu et de l’eau qu’il mélangea l’un à l’autre, et en fit Shamayim. »

La Tora qui est d’origine céleste, contiendrait donc en elle les deux éléments que sont le feu et l’eau, qui se conjuguent dans le ciel.

Nous avons vu dans les versets ci-dessus de Yitro, que la Tora fut donnée « dans le feu », alors que nous apprenons dans le livre des Juges (4-4/5) qu’elle fut aussi donnée dans l’eau…

ה” בצאתך משעיר בצעדך משדה אדום, ארץ רעשה גם שמים נטפו גם עבים נטפו מים.

הרים נזלו מפני ה” זה סני, מפני ה” א-לוהי ישראל

« Éternel, lorsque (arrivant au Sinaï) tu sortis de Sé’ir, t’avançant depuis les champs d’Edom, la terre a tremblé, le ciel a fondu en eau, les nuages aussi ont laissé tomber la pluie.

Même les montagnes, tel le Sinaï, se mirent à ruisseler devant l’Eternel, le Dieu d’Israël. »

Que symbolisent des deux thèmes que sont le feu et l’eau ?

(A partir de là, la suite de ce cours s’inspire d’un texte du Rav Aharon Likhshtenstein.)

L’eau symbolise l’antériorité de la nature. Avant même la Création « l’esprit de Dieu planait au-dessus de la surface des eaux ». L’eau est l’élément de base indispensable à l’homme et à toute la création. Elle symbolise le naturel, il n’y a rien de plus lié à la création que la vue d’une source irriguant un lieu aride et abandonné.

Le feu au contraire de l’eau, est une création technologique, il symbolise la créativité, l’innovation et le dynamisme. L’invention du feu est une des plus importantes révolutions de l’histoire humaine. Elle va structurer tout le progrès technologique ultérieur. Contrairement à l’eau qui nous cerne de toutes parts, l’homme qui a besoin de feu doit le rechercher, ou se donner beaucoup de mal pour le créer.

Malgré ces différences, le feu et l’eau partagent un point commun : selon la Guémara (Bérakhot 22/A- Sanhédrin 39/A), les deux ne peuvent devenir impurs, et les deux ont le pouvoir de purifier.

De même que la Tora symbolise le feu et l’eau, elle est porteuse des propriétés de ces deux éléments.

Comment comprendre cela ?

Selon la tradition, la Tora précéda la création du monde. Et le monde ne fut créé que pour la Tora, appelée Réshit (prémice)…

ב-ראשית ברא א-לוהים signifiant selon Rashi « en vue de la Tora-Réshit, Dieu créa… ».

Cette antériorité de la Tora, est comparable à l’eau qui prévalait avant la création.

Par ailleurs, on ne peut ignorer la dimension créatrice, dynamique, évolutive, de l’étude de la Tora, à l’image du feu.

Une autre propriété est commune au feu et à l’eau: les deux ont à la fois la capacité de détériorer et de détruire d’une part, et de construire et faire germer de l’autre.

Nous voyons dans la Parasha Beréshit le rôle positif et créateur de l’eau qui fait vivre les poissons et les oiseaux, cependant que dans la Parasha Noah, l’eau est l’instrument de la destruction de toute vie, au cours du déluge.

Il en est de même pour le feu. Autant cet élément porte en lui un énorme potentiel créatif et constructif, autant le feu peut être destructeur, à l’exemple de Sodome, et des millénaires plus tard, du Beth Hamikdash.

Comme le feu et l’eau, même la Tora peut apporter au monde la vie, et hélas, son contraire…

אמר רבי יהושוע בן לוי: מאי דכתיב “וזאת התורה אשר שם משה”?

זכה- נעשית לו סם חיים. לא זכה- נעשית לו סם מיתה.

“Rabbi Yéhoshoua Ben Lévi a dit: Que signifie “Voici la Tora que Moshé a déposée (שם-sam) …devant les enfants d’Israël » ?

Si la personne est méritante, la Tora est pour elle un élixir (sam hayim) de vie.

Si elle n’est pas méritante, elle devient pour elle un poison mortel (sam mita). (ndlr : il s’agit de « mort » spirituelle, non moins grave).

Qu’est-ce qui différencie la Tora-élixir de vie, de la Tora-poison mortel ? Il s’agit pourtant de la même Tora ! L’esprit dans lequel on aborde la Tora, ferait la différence…

תניא רבי בנאה אומר: כל העוסק בתורה לשמה, תורתו נעשית לו סם חיים

שנאמר “עץ חיים היא למחזיקים בה”…וכל העוסק בתורה שלא לשמה, נעשית לו סם המוות

שנאמר “יערף כמטר לקחי”, ואין עריפה אלא הריגה…

“Rabbi Banaa dit dans une Bérayta: tout celui qui étudie la Tora Lishma-pour elle-même, sa Tora sera pour lui un élixir de vie, ainsi qu’il est dit « elle est un arbre de vie pour ceux qui la détiennent »…et celui qui étudie la Tora Shélo Lishmah- dans un but intéressé, elle devient pour lui un « élixir de mort », ainsi qu’il est dit Dévarim-Ha’azinou) « que ma doctrine –yaarof- s’infiltre comme la pluie »…

(Et la, Rabbi Banaa rapproche Yaarof, qui signifie « s’infiltre », de Arifa qui veut dire « décapitation » et mise à  mort). (Taanit 7/A).

La Tora sanctifie, purifie et grandit l’homme sur le plan spirituel. Mais tout est conditionné par une approche correcte, motivée par l’aspiration profonde d’étudier la Tora Lishmah.

Une approche qui intériorise le fait que la Tora est חיינו ואורך ימינו  « notre vie et notre longévité », et que sans elle, la vie n’a pas de sens, fait alors de la Tora un élixir de vie סם חיים.

(Ndlr : Cette approche « extrême » est cependant tempérée, sans être contredite dans Sanhedrin 105/B…

אמר רבי יהודה אמר רב: לעולם יעסוק אדם בתורה ובמצוה אפילו שלא לשמה

שמתוך שלא לשמה בא לשמה

“Rabbi Yéhouda a dit au nom de Rav: toujours l’homme doit s’occuper de la Tora et des commandements, bien que ce ne soit pas pour elle-meme שלא לשמה, car à partir de שלא לשמה, il en viendra au לשמה”).

Les prophètes nous ont promis que le feu et l’eau seront à nouveau au rendez-vous de la délivrance future. Le prophète Ezéchiel parle du fleuve qui irriguera et redonnera vie au désert. Et nous savons que, de même que Jérusalem fut détruite par le feu, c’est par le feu qu’elle sera reconstruite, ainsi qu’il est dit…

ואני אהיה לה נאם ה” חומת אש סביב

 « Je serai pour elle, parole de l’Eternel, une muraille de feu tout autour… » (Zacharie 2/9)

Amen

Hag Saméah

Dvar Charles et Herve JUDAISME