Parashat Matot

Parashat Matot

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Parashat Matot – פרשת מטות

Bamidbar chapitres 30 (2) à 32

 

Cette parasha est couplée cette année en Israël, avec celle qui la suit, et qui clôt le Séfer Bamidbar, la parashat Mass’ei, dont les thèmes reflètent l’imminence de l’entrée en Eretz Israël. Les Bnei-Israël reçoivent l’ordre de conquérir le territoire, dont les frontières sont indiquées de façon très précise. Ils devront en chasser les habitants, et en attribuer une part à chaque tribu. Quarante deux villes seront destinées aux Levis, auxquelles s’ajouteront six villes-refuge.

Mais revenons à Matot. Nous y trouvons trois thèmes essentiels :

A/ Moshé s’adresse aux chefs des tribus, puis aux Bnei-Israël

איש כי ידר נדר לה” או-השבע שבעה לאסר אסר על-נפשו לא יחל דברו ככל-היצא מפיו יעשה

“Si un homme fait un vœu à Dieu, ou s’impose par un serment une interdiction à lui-même, il ne peut violer sa parole: tout ce qu’a proféré sa bouche, il doit l’accomplir”.

 Moshé  expose longuement les loi relatives aux vœux et serments, ainsi que les modalités d’annulation des vœux (ch. 30/2 a 17).

B/ Hashem confie à Moshe sa derniere mission…

נקם נקמת בני ישראל מאת המדינים אחר תאסף אך-עמיך

“Exerce sur les Madianites la vengeance due aux enfants d’Israël; après quoi tu seras réuni à ton peuple”.

Les Madianites sont effectivement défaits, et le butin saisi est partagé. (ch.31)

C/ Les tribus de Gad et Réouven sollicitent de Moshé, la permission de ne pas rentrer en Eretz-Israël, et de rester sur le territoire situé sur la rive orientale du Jourdain, car disent-ils…

הארץ אשר הכה ה” לפני עדת ישראל ארץ מקנה היא ולעבדיך מקנה

“Ce pays que l’Eternel a fait succomber devant les enfants d’Israël, est un pays propice au bétail, or tes serviteurs ont du bétail”.

Qu’est-ce qui peut expliquer la juxtaposition de thèmes tels que les vœux, la vengeance contre les Madianites, et la demande des Bnei-Gad et des Bnei-Réouven ? Y a-t-il un dénominateur commun à ces épisodes, apparemment sans rapport entre eux ?

Le rav Shlomo Zeev Pick, de l’université Bar Ilan, en a trouve un, et pas des moindres.

Reprenons dans l’ordre du texte.

A/ Les Nédarim (vœux).

Le Néder est différent de la Mitsva, qui est assortie de l’obligation de l’accomplir, du Hyouv חיוב.

Avec les Nédarim, on est dans le domaine de l’acte volontaire, le Reshout רשות.

L’univers de la Loi est régi par des règles qui en précisent les « modalités d’application », et permettent d’éviter des « dérapages ».

Le monde des vœux lui, est plein de risques, notamment celui de voir chacun se créer son Shoulhan Aroukh, son code de lois personnel, avec des exigences et des interdits non-demandés par la Tora.

Cela explique selon certains commentateurs, que Moshé ait eu besoin de s’appuyer sur les chefs de tribus, plus proches du peuple, et plus à même « d’encadrer » la pratique des vœux.

Il semblerait que la pratique des vœux ait un rapport avec les pulsions et les désirs humains תאוות האדם.

Pour le Rambam – Maimonide, des vœux qui ont pour but de s’améliorer, de faire reculer les pulsions, de corriger des comportements négatifs, sont dignes de louanges. Par exemple, une personne qui a tendance à s’enivrer, et qui fait le vœu de se priver d’alcool. Vue sous cet angle, la pratique des vœux contribue au service divin…Le Rambam ajoute…

ובנדרים אלו וכיוצא בהן אמרו חכמים “נדרים סייג לפרישות”

“et a propos de ces vœux…les sages ont dit  « les vœux sont une barriére autour de l’abstinence » (Pirkei-Avot 3/12)

B/ La guerre contre les Madianites

Souvenons-nous (parashiot Balak et Pinhas), que le prophéte Bilaam avait été convoqué par Balak, roi de Midyan, pour maudire Israël. Bilaam ne put prononcer que des bénédictions. A la suite de cet échec, et sur le conseil de Bilaam (Rashi), Balak envoya les jeunes filles de Moav, pour entrainer Israël à la débauche.

Le drame connait un triste épilogue, avec la provocation d’un prince d’Israël et d’une madianite, auquel Pinhas met fin en les transperçant.

Tout ce triste épisode porte à l’évidence, la trace du désir, de la תאוה.

Celle-ci, qui a décidément la peau dure, refait son apparition dans notre parasha.

Sur l’ordre divin, les Bnei-Israël attaquent et défont les Madianites. L’abondant butin suscite le désir et l’envie des Bnei-Israël. Les femmes qui ont tenté Israël a Baal-Péor, et entrainé l’épidémie qui a ravagé les rangs du peuple, ont été épargnées dans cette guerre, ce qui suscite la colère de Moshé.

C/ Les Bnei-Gad et les Bnei-Réouven

D’emblée le décor est planté…

ומקנה רב היה לבני ראובן ולבני-גד עצום מאד……והנה המקום מקום מקנה

“Or les enfants de Réouven et les enfants de Gad possédaient de nombreux troupeaux, très considérables….et cette contrée était une contrée favorable pour le bétail ».

Lorsque Moshe se révolte face à ce qu’il considere comme une désertion…

ויגשו אליו ויאמרו: גדרת צאן נבנה למקננו פה וערים לטפנו

ואנחנו נחלץ חשים לפני בני ישראל…

“Ils s’approchèrent de Moshé et dirent: nous construirons ici des enclos à brebis pour notre bétail, et des villes pour nos enfants, et nous, nous irons en armes résolument devant les enfants d’Israël… ».

Les Bnei-Réouven et Bnei-Gad se déclarent solidaires de leurs frères, ils combattront jusqu’à ce que chaque tribu soit installée sur son territoire. Auparavant, ils mettront à l’ abri…leurs troupeaux…puis leurs enfants.

Cette priorité donnée aux biens matériels, corrigée plus tard par Moshé, porte également la trace de la תאוה.

On l’aura compris, c’est la Ta’ava qui relie ces trois épisodes.

Cette parasha traite des désirs, des Ta’avot de l’homme, et des voies qui permettent de les surmonter, notamment par la transmission des valeurs de la Tora, et l’obligation de se donner des limites.

Shabbat Shalom

Dvar Charles et Herve JUDAISME