Parashat Vayétsé – פרשת ויצא
Beréshit chapitres 28 à 32
On se souvient que Yaakov ayant bénéficié de la bénédiction initialement destinée à Essav, fut envoyé par son père à Padan-Aram, chez Lavan le frère de Rivka.
Au début de notre parasha…
ויצא יעקב מבאר שבע וילך חרנה
“Yaakov sortit de Beer Shava et alla à Haran”.
Alors qu’il est en route, la nuit tombe, et Yaakov décide de dormir sur place. Il rêve de l’échelle qui relie la terre et le ciel, et reçoit d’Hashem la bénédiction déjà faite à Abraham et Yitshak, relative à la descendance, et à la Terre d’Israël.
Lorsque Yaakov arrive à destination, il se trouve en présence d’un spectacle pastoral…un puits au milieu d’un champs, trois troupeaux, des bergers obligés de s’y mettre tous pour soulever la pierre qui ferme le puits, tant elle est lourde.
Les bergers sont de Haran…ils connaissent bien Lavan …d’ailleurs, voici sa fille Rahel qui arrive avec le troupeau de son père.
Yaakov s’approche et déplace la pierre qui couvrait le puits, pour permettre à Rahel d’abreuver son troupeau, oui oui, la pierre qu’on ne pouvait déplacer qu’a plusieurs !
Yaakov révèle à Rahel qu’ils sont parents. Celle-ci se dépêche alors d’aller annoncer la nouvelle à son père Lavan.
Apres un séjour d’un mois, au cours duquel Yaakov a travaillé pour Lavan, celui-ci lui demande comment il pourrait le rémunérer. Or…
וללבן שתי בנות שם הגדלה לאה ושם הקטנה רחל.
ועיני לאה רכות ורחל היתה יפת-תאר ויפת מראה.
« Or Lavan avait deux filles : le nom de la grande était Léah, et le nom de la petite, Rahel.
Léa avait les yeux ternes ; Rahel était belle de taille et belle de visage. » (29/16-17)
Yaakov aime Rahel et veut l’épouser et pour cela, il travaillera sept ans. Au terme de cette période, vient le jour de la noce. On connait la suite : au matin, Yaakov découvre qu’il a été trompé, et qu’il a epousé Léah.
Il reproche a Lavan de l’avoir dupé, et celui-ci lui répond…
לא-יעשה כן במקומנו לתת הצעירה לפני הבכירה
« Ce n’est pas l’usage dans notre pays, de donner la cadette avant l’aînée. » (29/26)
Lavan lui propose de travailler sept années supplémentaires pour obtenir la main de Rahel, ce que Yaakov accepte sans hésitation. Au terme de cette période, notre patriarche a deux épouses, ainsi que leurs deux servantes, Zilpa et Bilha.
La construction de la Maison d’Israël peut commencer.
Après la naissance de Yossef, Yaakov veut retourner en terre de Kenaan, et demande à Lavan de le payer pour tout le travail fourni. Mais là encore, Lavan tente de soustraire la part du bétail qui revient à Yaakov. Celui-ci ne se laisse pas faire. Il met au point un stratagème pour se constituer un troupeau conséquent.
Avec ses femmes, ses enfants et tous ses biens, Yaakov s’enfuit…
ויגנב יעקב את-לב לבן הארמי על-בלי הגיד לו כי ברח הוא.
ויברח הוא וכל-אשר-לו ויקם ויעבר את-הנהר וישם את-פניו הר הגלעד.
« Yaakov trompa l’esprit de Lavan l’araméen, en s’enfuyant sans rien lui dire.
Il s’enfuit donc, lui et tout ce qui lui appartenait, il se mit en devoir de passer le fleuve, puis il se dirigea vers le mont Galaad. » (31/20-21)
La fin de la parasha, voit Lavan rattraper le convoi de Yaakov, ce qui est l’occasion d’une mise au point, qui s’achève par la conclusion d’une alliance.
Histoire de dupes
C’est vraiment le sentiment que l’on peut éprouver à la lecture de cette parasha.
Lorsque Yaakov arrive chez Lavan, il sait déjà à qui il à faire, et c’est pour cette raison (Rashi) qu’il est si précis lorsqu’il demande à Lavan l’autorisation d’épouser Rahel…
אעבדך שבע שנים ברחל בתך הקטנה
« Je te servirai sept ans pour Rahel, ta fille, la petite. » (29/18)
Ceci n’a pas empêché Lavan de le tromper, ce qui eut pour conséquence d’installer durablement une certaine tension entre les deux sœurs, et entre leurs descendants.
La fin du séjour de Yaakov chez son beau-père sera également entachée par la tentative de Lavan de l’escroquer.
Même le malheur qui frappera Yaakov, lors de la vente de Yossef par ses frères, portera le signe de la tromperie. Les frères feront croire à leur père que Yossef a été tué et déchiré par une bête féroce, et présenteront à leur père la tunique ensanglantée de Yossef (Vayishlah). Et nous savons, bien sur, qu’il s’agit d’une mise en scène.
Y a-t-il un lien entre les tromperies dont est victime Yaakov, et celles dont il a bénéficié pour obtenir la bénédiction de son père ?
En d’autres termes, sommes-nous en présence de l’application à Yaakov du principe « Mida Kénégued Mida – mesure contre mesure », mensonge contre mensonge, tromperie contre tromperie ?
Les Hakhamim sont catégoriques : oui ! Ils s’étonnent de la surprise de Yaakov lorsque, le matin, il découvre que c’est avec Léa qu’il a passé la nuit…
« Est-ce que Yaakov n’a échangé aucune parole avec Léa qui a passé toute la nuit dans sa chambre ? »
Le Midrash « imagine » l’échange qu’il a pu y avoir…
« Toute la nuit il l’a appelée Rahel, et elle lui a répondu. Au matin, voici que c’était Léah. Il lui a dit : trompeuse fille de trompeur, ne t’ai-je pas appelée dans la nuit « Rahel », et tu m’as répondu ?
« Léah lui dit : existe-t-il un maitre sans élèves ? Ton père (Yitshak) ne t’a-t-il pas appelé « Essav », et tu lui as répondu ? » (Beréshit Rabba 70/17)
Voici donc, établi par le Midrash, une lien direct de cause à effet entre…
בא אחיך במרמה – ton frère est venu avec ruse (pour la bénédiction), et…
למה רימיתני – pourquoi m’as-tu trompé (Yaakov é Lavan).
Les Hakhamim relèvent un échange allusif et significatif entre Yaakov et Lavan.
Lorsque Yaakov reproche à son beau-père de l’avoir trompé – למה רימיתני – Lavan lui répond « cela ne se fait pas « Bimkoménou-dans notre contrée » de donner la cadette avant l’aînée ». Lavan aurait pu se contenter de rappeler ce principe universel en tous lieux.
Par ailleurs, pourquoi qualifie-t-il ses deux filles de צעירה-la jeune, et de בכירה-l’aînée, plutôt que d’employer les termes “grande, petite, utlisés depuis le début ?
La réponse de Lavan est dans le droit fil du Midrash.
Lavan répond au reproche de Yaakov : pourquoi (de quel droit) te plaints-tu d’avoir été trompé ? « Chez nous on ne fait pas cela », mais ailleurs, oui, cela se fait, de faire passer le plus jeune avant l’ainé. Et c’est à dessein que Lavan emploie les termes de « plus jeune » et « ainé », allusion à l’affaire du droit d’ainesse et de la bénédiction.
N’oublions pas que Lavan est un proche parent de Yaakov, et que les nouvelles circulent au sein de la famille.
Même si ce n’était pas le cas, on pourrait dire que la Tora s’exprime par sa bouche, et veut mettre en évidence le lien entre ces différents événements.
On est toutefois étonné de ces reproches.
Yaakov n’avait accepté de se prêter au stratagème que contraint par sa mère, Rivka, qui avait reçu par prophétie, l’assurance que c’est Yaakov qui aurait la prééminence (Toledot).
Le Rav Rivlin avait expliqué précédemment que chacun des patriarches a été mis à l’épreuve, d’une manière contraire à la Mida, la valeur qu’il personnifie.
Ainsi, Abraham (Midat HaHessed) reçoit l’ordre de sacrifier Yitshak, et de commettre un acte radicalement contraire au Hessed. Comme on le sait, il a démontré sa capacité à servir Dieu dans ce contexte.
Yaakov (Midat HaEmeth), se voit contraint d’emprunter des voies tortueuses pour servir Hashem. Mais la voie contraire au Emeth, le Shéker-le mensonge, est incompatible avec le service divin. Il a donc à la fois le mérite d’avoir surmonté une telle épreuve, mais il n’en demeure pas moins une trace, un Roshem.
Les difficultés et les souffrances de la vie de Yaakov, ont permis d’effacer cette trace. C’est ce qu’il exprimera devant Pharaon (Vayigash)…
מעט ורעים היו ימי שני חיי
« …Il a été court et malheureux, le temps des années de ma vie… » (47/9)
Shabbat Shalom
Davar Tora largement inspir& de
עיוני פרשה – Béréshit du rav Abraham Rivlin