Parashat Vayéhi פרשת ויחי

בס”ד

Parashat Vayéhi פרשת ויחי
Beréshit chapitres 47 à 50

Vayéhi clot le Sefer Beréshit. Ce dernier est considéré comme le livre des pères, qu’il s’agisse des “pères” de l’humanité, ou des “pères” du peuple juif.
Le Sefer Shemot, que nous entamerons la semaine prochaine, sera quant à lui, le livre des fils devenus un peuple.
En Egypte, la famille de Yaakov va devenir  ישראל עם בני le “peuple des enfants d’Israël” selon la définition qu’en donne le pharaon lui-même. (Shemot 1/9)
Notre parasha fait la transition entre les deux, elle conclut le livre des “pères” par l’histoire des “fils”, les enfants de Yossef.
Vayéhi est la dernière des parashiot consacrées à Yaakov et à ses fils; mais il faut bien reconnaître que Yossef en est le personnage central.
Avec Yossef, deux autres personnages jouent un rôle essentiel: Yaakov bien sûr, et Yéhouda qui représente les frères.
Vayéhi clot trois histoires différentes, liées à chacun des personnages cités: Yaakov, Yossef, et les frères à travers Yéhouda.

Yaakov
Notre parasha s’ouvre sur son nom…
ויהי ימי יעקב שני חייו שבע שנים וארבעים ומאת שנה ויחי יעקב בארץ מצרים שבע עשרה שנה,
“Et Yaakov vécut dans le pays d’Egypte dix-sept ans. Les jours de Yaakov, les années de sa vie furent de cent-quarante-sept ans. (47/28)
Sa demande insistante d’être enseveli en Eretz Israel, ses bénédictions à ses petits-enfants et à ses fils, tout vient renforcer ce sentiment qu’une longue histoire arrive à son terme.
Avant la mort du patriarche, Yossef vient lui rendre visite accompagné de ses deux fils, Ménashé et Efrayim. Yaakov demande à Yossef d’approcher ses deux enfants afin qu’il les bénisse, car…
עיני ישראל כבדו מזקן לא יוכל לראות
Les yeux d’Israël (Yaakov) étaient appesantis par la vieillesse, et il ne pouvait plus voir”. (48/10)
Lorsque Yaakov bénit les deux garçons, il semble se tromper, et pose la main droite, la plus importante, sur la tête d’Efrayim, le cadet, et la gauche sur celle de Ménashé, qui est l’aîné. S’apercevant de “l’erreur”, Yossef tente de la corriger, et dit à son père…
לא כן אבי כי זה הבכר שים ימינך על ראשו
“Pas ainsi mon père, car celui-ci est l’ainé, mets ta main droite sur sa tête.” (48/18)
Mais la réponse de Yaakov ne laisse aucun doute sur son intention: le remplacement de Ménashé par Efrayim est un acte délibéré…
וימאן אביו ויאמר ידעתי בני ידעתי גם הוא יהיה לעם וגם הוא יגדל ואולם אחיו הקטן יגדל ממנו וזרעו יהיה מלא-הגוים-
“Son père refusa et dit: je sais mon fils, je sais, lui aussi deviendra un peuple, et lui aussi sera grand; mais son jeune frère sera plus grand que lui, et sa postérité remplira les nations.” (48/19)
Le fils cadet reçoit une bénédiction supérieure à celle de son frère aîné, de la part d’un Yaakov “malvoyant”.
Cette image nous renvoie à une scène que Yaakov a lui-même vécue à l’aube de sa vie. Ses parents, Yitshak et Rivka, avaient eux-même deux fils, Yaakov et Essav, qui aspiraient à la bénédiction de leur père. Yaakov était le cadet, ce qui ne l’a pas empêché de recevoir la bénédiction et le droit d’aînesse. Au début de cette scène “rocambolesque”…
ויהי כי-זקן יצתק ותכהין עיניו מראות
“Et ce fut, comme Yitshak vieillit, que sa vue était trouble…” (27/1)
On se souvient qu’à la suite de ce “vol” de la bénédiction destinée à priori à Essav, Yaakov dut fuir à Haran, y rester vingt ans, se confronter à son peu recommandable beau-père Laban, et épouser ses deux filles, source de tension entre le “clan” de Léa et celui de Rahel. Cette tension a mené à la vente de Yossef, et à tous les évènements qui en ont découlé
Cette permutation entre l’ainé et le cadet, Yaakov la reproduit à la génération suivante, lorsqu’il bénit les fils de Yossef, comme pour indiquer que cela en valait la peine, malgré toutes les difficultés.
Durant sa grossesse, sa mère Rivka avait elle-même reçu l’annonce suivante…
 שני גים בבטנך ושני לאומים ממעיך יפרדו ולאום מלאום יאמץ ורב יעבד צעיר
“Deux nations dans ton sein, et deux peuples se ramifieront de tes entrailles, un peuple sera plus fort que l’autre, et l’aîné servira le plus jeune”. (25/23)
A son tour, Yaakov accordera la primauté au cadet, au détriment de l’aîné.

Les frères
Nous retrouvons dans notre parasha, tous les fils de Yaakov réunis, comme ils l’ont été avant la vente de Yossef. Ces retrouvailles ont lieu en Egypte, et non en Eretz Israel, comme au début du récit. Cette réunion des frères ferme une boucle, tout en la corrigeant.
Au début de l’histoire, Yossef s’attire la haine de ses frères, à cause du favoritisme de son père, de ses dénonciations, et de ses rêves de grandeur. Ce qui a conduit ses frères a le haïr et à se débarrasser de lui.
Ces retrouvailles en Egypte sont l’occasion, pour les deux parties, de corriger les erreurs du passé.
De leur côté, les frères reconnaissent le tort qu’ils ont fait à Yossef et implorent son pardon après la mort de Yaakov…
ועתה שא נא לפשע עבדי אלהי אביך
“Et maintenant, pardonne la faute des serviteurs du Dieu de ton père…(50/17)
וילכו גם אחיו ויפלו לפניו ויאמרו הננו לך לעבדים
“Ses frères vinrent eux-mêmes se prosterner devant lui en disant: voici nous sommes tes esclaves.” (50/18)
Les frères qui ont vendu Yossef en esclavage, se proposent d’etre ses esclaves. Et lui, qui a revé tant de fois de voir ses frères se prosterner devant lui, assiste à la concrétisation de ses rêves.
Et Yossef, loin d’en retirer une quelconque satisfaction personnelle, leur dit…
אל תיראו התחת אלהים אני, ואתם חשבתם עלי לרעה, אלהים חשבה לטובה למען עשה כיום הזה להחיות עם רב
“Soyez sans crainte, car suis-je à la place de Dieu? Vous, vous aviez médité contre moi le mal, Dieu l’a combiné pour le bien, afin qu’il arrivât ce qui arrive aujourd’hui, qu’un peuple nombreux fut sauvé.” (50/19-21)
Toute l’histoire de la vente de Yossef est liée à la tension qui règne dans la famille de Yaakov, autour de la question suivante: qui sera le continuateur de la famille d’Abraham? Et qui sera disqualifié?
Peut-être les frères ont-ils cru que la sélection entre Yitshak et Yishmael, puis entre Yaakov et Essav, se reproduirait à la troisième génération. Et le fait que Yaakov “aimait Yossef plus que tous ses enfants”, et “qu’il lui fit une tunique bigarrée”, leur a fait craindre d’être disqualifiés.
Ainsi que nous l’avons dit plus haut, tout se passe sur fond de tensions entre les fils de Rahel, la bien-aimée de Yaakov, et ceux de Léa.
Dans notre parasha, Yaakov réunit tous ses fils et met fin à ce conflit. Ses fils sont soulagés en constatant qu’il n’y a pas de fils choisi, ni de fils rejeté. A partir de cet instant, ils font tous partie de cette famille, destinée à devenir un peuple…
כל אלה שבטי ישראל שנים עשר וזאת אשר דבר להם אביהם ויברך אתם איש אשר כברכתו ברך אתם
“Tous ceux-là sont les douze tribus d’Israël, et c’est là ce que leur père leur dit, et il les bénit, chacun d’après sa bénédiction, il les bénit/” (49/28)
Il était important que les fils entendent celà, avant la mort de leur père.
Cependant, si aucun des fils n’a été écarté, trois d’entre eux auront un rôle prépondérant dans la direction de la famille: Yéhouda, Dan et Yossef.

Yehouda
Lorsque Yaakov bénit ses fils, il commence par l’aîné, Réouven. Mais en fait, au lieu d’entendre une bénédiction, Réouven entend plutôt un reproche.Il avait tenté d’asseoir son pouvoir en profanant la couche de son père.
Réouven ayant perdu son droit d’aînesse, Yaakov passe au suivant (aux suivants): Shimon et Lévi. Mais eux aussi ont droit à des reproches, en raison de la violence dont ils ont fait preuve, lorsque leur sœur Dina fut violée par Shkhem.
Yaakov déclare à leur propos…
בסדם אל תבא נפשי בקהלם אל-תחד כבדי
“A leurs desseins, que mon ame ne s’associe point, qu’à leur assemblée ne se joigne pas mon honneur”. (49/6)
Arrive le tour de Yéhouda, qui lui, reçoit le bâton de commandement:
“Yéhouda, toi tes frères te loueront…les fils de ton père se prosterneront devant toi…le sceptre ne quittera pas Yéhouda, ni le législateur d’entre ses pieds”. (49/8)
Au lieu de reprendre la formule par laquelle il fut lui-même béni par son père Yitshak (sois le chef de tes frères, et les fils de ta mère se prosterneront devant toi), Yaakov bénit Yehouda en lui promettant que “les fils de ton père se prosterneront devant toi”.
Pour Yaakov, il est clair que même les fils de Rahel reconnaîtront la primauté de Yéhouda, et que la famille ne se scindera pas, en fonction de l’origine maternelle.

Dan
Dan est l’aîné des servantes. A son propos, Yaakov dit…
דן ידין עמו כאחד שבטי ישראל
“Dan jugera son peuple comme une des tribus d’Israël. (49/16)
Bien que Dan soit issu d’une servante, Yaakov affirme là l’égalité de tous, et considère Dan “comme une des Tribus d’Israël”. Dan se voit même doté d’une fonction dirigeante, puisqu’il “jugera son peuple”.
Mieux: Lorsque Moshé bénira les tribus avant sa mort, il fera un rapprochement entre le statut de Dan et celui de Yéhouda.
Yossef
Le troisième fils à recevoir une bénédiction liée à une fonction dirigeante, est Yossef.
תהיין (הברכות) לראש יוסף ולקדקד נזיר אחיו
“Qu’elles s’accomplissent (les bénédictions) sur la tête de Yossef, sur le front , la couronne de ses frères”. (49/26)
Yossef, la couronne de ses frères! Il s’agit de l’expression de la supériorité de Yossef, bien que Yaakov n’en indique pas le contenu. Le statut particulier de Yossef n’a pas attendu ce moment pour être exprimé par son père.
Il avait déjà été évoqué, lorsque Yaakov a dit à Yossef (début de notre parasha) que “ses deux fils seront comme Réouven et Shimon”, et hériteront d’un territoire au même titre que les fils de Yaakov (leurs oncles). Ils sont une composante des tribus d’Israël comme les autres.
A l’instar d’un aîné, Yossef reçoit donc à travers ses fils, une double part d’héritage.
Ainsi, Yéhouda se voit attribuer le rôle de dirigeant de la famille.
Yossef et Dan lui sont associés, en tant que représentant chaque courant familial: Yéhouda représente Léa (après que Réouven, Shimon et Lévi furent écartés).
Yossef est l’aîné de Rahel, tandis que Dan est lui, l’aîné des servantes.
Ce processus de “remise des compteurs à zéro” était nécessaire au moment où les enfants et les descendants de Yaakov, étaient sur le point de devenir “”le peuple des enfants d’Israel” עם בני ישראל.

Shabbat Shalom

Dvar Charles et Herve