Parashat Shoftim

Parashat Shoftim – פרשת שפטים
Dévarim chapitres 16 à 21

Parmi les nombreux sujets abordés dans notre parasha, figure au chapitre 17/14 la question du roi.

Voici quelques extraits.
“Quand tu viendras dans le pays…..que tu l’auras conquis, et t’y seras installé, tu diras, je vais établir au-dessus de moi un roi, comme tous les peuples qui m’entourent”.
“Tu établiras sur toi un roi que l’Eternel ton Dieu choisira parmi tes frères…”
“Seulement, qu’il ne prenne pas trop de chevaux, et ne ramène pas le peuple en Égypte….”
“Et qu’il ne prenne pas trop de femmes…ni trop d’argent et d’or.”
“Il écrira un Sefer Tora……”
“Afin que son cœur ne s’enorgueillisse pas a l’égard de ses frères, et qu’il ne s’écarte pas du commandement….”.

On a l’impression, à la lecture du premier verset, qu’après la conquête et l’installation, c’est le peuple qui voudra installer un roi à l’instar des autres peuples, “pour faire comme les autres”.
Mais voilà qu’au lieu de rejeter cette aspiration, Moshe Rabbeinou poursuit: tu établiras sur toi un roi…comme s’il “légalisait” à posteriori, une décision prise par le peuple, la transformant du coup en Mitsva.

La suite du texte nous montre d’ailleurs dans quel degré de méfiance la Tora considère l’institution royale (pas d’abus d’argent, de chevaux, de femmes, de pouvoir…).

Cette éventuelle demande du peuple va mettre quelques siècles à se manifester, et va émerger à l’époque des Juges, plus exactement de Shmouel Hanavi.
Voici un extrait de Shmouel 1/8/4:
“Tous les anciens d’Israël se rassemblèrent et vinrent chez Shmouel.”
“Ils lui dirent: voici que tu as vieilli, et tes fils ne marchent pas dans tes voies. Maintenant, établis-nous un roi pour nous juger comme tous les peuples.”
“La chose déplut aux yeux de Shmouel lorsqu’ils dirent cela…et Shmouel pria Hashem.”
“Hashem dit a Shmouel: écoute le peuple en tout ce qu’il te dira, car ce n’est pas toi qu’ils ont rejeté, ils ont rejeté Mon règne sur eux.”
Hashem reproche au peuple sa conduite, et recommande à Shmouel d’accepter la demande du peuple, והגדת להם משפט המלך אשר ימלוך עליהם « et tu leur diras la loi du roi qui règneras sur eux ».

Et voici la “loi du roi” que Shmouel énonça:
“Vos fils il prendra, et il les fera courir devant son char, pour établir des chefs de mille et des chefs de cinquante, pour exécuter son labour et sa récolte, et fabriquer ses armes et ses chars. Et vos filles il prendra comme parfumeuses, cuisinières et boulangères.
Et vos champs, vos vignes, et vos meilleurs oliviers, il prendra pour donner à ses serviteurs.
etc…etc…
“Et vous implorerez ce jour-là devant vos rois que vous avez choisis, et ce jour-là, Hashem ne vous répondra pas.
“Le peuple refusa d’écouter Shmouel, et ils dirent: nous voulons un roi sur nous. Et nous serons comme tous les peuples, et notre roi nous jugera, et il sortira devant nous pour faire la guerre.”
Shmouel n’eut qu’à s’exécuter…

Alors, l’expression « tu établiras sur toi un roi » constitue-t-elle une Mitsva ou non?

La Guémara Sanhédrin 20/2 discute des règles qui s’appliquent lorsque le roi part en guerre. Il dispose de droits considérables sur ses sujets, et sur leurs propriétés.

S’installe une discussion entre Tanayim, d’où se dégagent trois positions:

-rabbi Yossé dit: tout ce qui est dit dans la “parasha du roi (livre de Samuel), fait partie des privilèges accordés au roi. Pour Rabbi Yossé, il faut effectivement considérer qu’il y a une Mitsva d’établir un roi.
-rabbi Yéhouda dit: cette parasha n’a été énoncée que pour les menacer ainsi qu’il est dit (Shoftim): tu établiras sur toi un roi (dont la crainte sera sur toi). Rabbi Yéhouda va dans le sens de rabbi Yossé, en mettant l’accent sur la crainte que doit inspirer le roi.
……….
-rabbi Nehoray dit: cette parasha n’a été dite que pour s’opposer à l’attitude agressive du peuple, ainsi qu’il est dit: « et tu diras: établissons sur nous un roi comme tous les peuples qui nous entourent ». Pour Rabbi Nehoray, il ne s’agit pas d’une Mitsva, et les propos de Samuel sont destinés à les effrayer et les dissuader.

Mishna:
Rabbi Eliezer dit que les anciens a l’époque de Samuel, ont exprimé leur demande convenablement, en disant “donne-nous un roi pour nous juger”.
La demande fut ensuite pervertie par les ignorants de l’époque, ainsi qu’il est dit: “le peuple refusa d’écouter…..et ils dirent: nous voulons un roi au-dessus de nous, et nous serons comme les autres peuples….”

Il semble que la demande émanant du peuple, d’établir un roi, manifeste à priori, un éloignement de ce peuple avec son véritable Roi, et est perçue comme illégitime, d’autant qu’elle est motivée par une aspiration à la normalité, qui occulte la spécificité de la relation d’Israël avec Hashem.
Après les tentatives de dissuasion, la demande est légitimée mais soumise à une multitude de conditions destinées à empêcher l’établissement d’une royauté tyrannique sur le peuple d’Israël.

Pour finir, de nombreux commentateurs issus notamment du monde hassidique, considèrent l’injonction qui ouvre notre parasha « שפטים ושטרים תתן לך בכל שעריך – des juges et des policiers tu établiras au-dessus de toi dans toutes tes portes» d’un point de vue moral, bienvenu quelques semaines avant Rosh Hashana et Yom Kippour : “surveille ce que voient tes yeux, entendent tes oreilles, prononce ta bouche… ».

Selon l’Admour de Sokhtshov (cité par le rav Rivlin), il convient à chacun de « mettre un roi au-dessus de lui », ce roi étant Hashem. C’est ce que nous ferons très prochainement à Rosh Hashana, ou une partie de l’Amida de Moussaf est appelée « Malkhouyot », et proclame la royauté divine. Nous y reviendrons…si Dieu veut.

Shabbat Shalom

Dvar Charles et Herve JUDAISME